Variole du singe : ne stigmatisons pas les hommes gays et bisexuels

En réaction à un article paru le 3 août dans Le Soir concernant la variole du singe, l'ASBL Ex Æquo dénonce les propos tenus par le Pr Nathan Clumeck, et exprime sa solidarité avec les hommes gays et bisexuels qui sont injustement stigmatisés en raison de leurs pratiques sexuelles. Fort heureusement, ces propos jugeants ne sont pas partagés par les nombreux·euses médecins, notamment au CHU Saint-Pierre, qui œuvrent à nos côtés et que nous remercions pour la qualité de la collaboration que nous construisons depuis de nombreuses années, et tout particulièrement ces dernières semaines sur la variole du singe.

Depuis le début de l'épidémie de variole du singe ou monkeypox, l'OMS et de nombreuses autres autorités de santé n'ont de cesse d'appeler à une vigilance vis-à-vis d'une stigmatisation fondée sur l'orientation sexuelle ou sur les pratiques sexuelles, comme cela a été le cas aux débuts de l’épidémie du sida et continue à l’être aujourd’hui. Les propos tenus par le Pr Nathan Clumeck, dont Le Soir a choisi de se faire l'écho, sont irresponsables et risquent d'avoir des effets délétères sur l'accès aux informations et aux services de soins pour les personnes visées.

En tant qu'association communautaire de lutte contre le VIH et de promotion de la santé sexuelle et globale chez les hommes gays, bisexuels ou ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, nous défendons une approche de réduction des risques fondée sur l'information et centrée sur la personne, c’est-à-dire qui prend en compte avec empathie et sans jugement la réalité des bénéficiaires et qui renforce leur capacité à prendre soin de leur santé. La meilleure protection, c’est celle que la personne aura choisie, car elle est adaptée à ses pratiques.

En ce sens, nous tenons à affirmer qu'il n'y a rien d'intrinsèquement mal ou honteux dans la multiplicité des relations sexuelles et les changements de partenaires. Ce ne sont pas ces comportements qu’il convient de prévenir ou d’éviter de banaliser, mais bien les risques qui y sont associés. Les associations et les médecins qui travaillent sur la variole du singe n’ont jamais caché le lien qui existe entre la sexualité et la variole du singe ou les infections sexuellement transmissibles (IST). S’il est vrai que les hommes gays et bisexuels font partie des groupes les plus exposés au risque de contracter le VIH et d’autres IST, nous faisons aussi partie des groupes les mieux informés et le plus régulièrement dépistés. Cela est particulièrement vrai pour ceux d’entre nous qui ont choisi de prendre la PrEP pour vivre une sexualité épanouie sans la crainte du VIH. L’engouement que la PrEP rencontre au sein de notre communauté prouve notre capacité à nous emparer des moyens de prévention lorsqu’ils sont disponibles. La PrEP ne « banalise » pas les relations sexuelles, la PrEP protège du VIH, la PrEP donne un moyen aux PrEPeurs de prendre soin d’eux, d’accéder à des dépistages réguliers et au traitement des IST.

Sur le terrain, nous sommes beaucoup d’hommes à être inquiets et à adapter nos comportements, en mettant notre vie sexuelle en pause ou en réduisant notre nombre de partenaires sexuels. Nous vivons dans la crainte de contracter la variole du singe, y compris dans des lieux communautaires associatifs ou festifs, car nous savons que la variole du singe ne se transmet pas exclusivement par contact sexuel.

Il serait pourtant illusoire de penser que la somme de ces actions individuelles suffira à endiguer l’épidémie. C’est pour cela que nous demandons une réponse de santé publique, collective et nationale, qui soit à la hauteur des enjeux auxquels nous faisons face. Ce que nous voulons, ce sont des doses de vaccins, ce sont des conditions d’accès bien plus larges pour tous les hommes gays et bisexuels – et toutes les personnes transgenres – qui en font la demande, ce sont des traitements antiviraux, ce sont des meilleures conditions de dépistage avec des résultats rapides, ce sont des moyens structurels pour les associations communautaires de terrain.

Il est parfaitement injuste de mettre la responsabilité de l’élargissement de l’épidémie à de seuls comportements individuels, alors que les personnes concernées ne demandent qu’à s’emparer des outils qui les protègent. Il serait contre-productif de stigmatiser les lieux de socialisation et de rencontres sexuelles qui sont des partenaires dans la diffusion des informations et de la prévention comme nous l'ont prouvé les expériences du VIH ou de la COVID-19. Il est honteux de faire porter aux hommes bisexuels la responsabilité du risque d’un élargissement de l’épidémie aux hétérosexuel·les, rhétorique biphobe qui a déjà été invalidée dans le cas du VIH. Cet argument est d’autant plus absurde que les modes de transmission ne se limitent pas uniquement aux relations sexuelles.

À Ex Æquo, nous travaillons toute l'année à améliorer l'accès aux soins des hommes gays, bisexuels et autres, vivant ou non avec le VIH, chez qui la crainte (parfois fondée) de jugements et de discriminations reste présente. Beaucoup d’entre nous n'ont ainsi pas de médecin traitant·e ou n'osent pas parler de leur sexualité avec le corps médical. Dans ce contexte, stigmatiser une fois encore certains comportements sexuels risque de détourner les hommes gays et bisexuels des services de soin et de vaccination dont ils ont besoin, car certain·es ne prendront pas le risque de s’y présenter. Si nous voulons convaincre les personnes les plus exposées au virus de se faire vacciner, nous gagnerions donc plus que jamais à travailler sur une relation de confiance avec les équipes médicales, car recourir aux soins ou à la vaccination nécessitera de dévoiler nos pratiques sexuelles et les risques qu’il nous arrive de prendre.

Avec le soutien de : 

O’YES
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